Si l’on vous posait la question : « Quelles sont les îles tunisiennes ? », vous répondriez probablement, après un instant de réflexion : « La Galite, Zembra, Kerkennah et Djerba ». Votre réponse serait donc : « Quatre îles ». Cela serait vrai mais incomplet voire inexact. Car en réalité, il existe en Tunisie une soixantaine d’îles et d’îlots, de taille inégale, visibles dans le paysage côtier et dont les noms sont connus de tous.
Pour les retrouver, nous allons mettre nos pas dans ceux du géographe Ameur Oueslati, spécialiste des côtes de la Tunisie et auteur de nombreux travaux de recherche sur les îles tunisiennes. Pour ce périple des îles tunisiennes, nous commencerons par quelques évidences. Elles ont trait aux quatre îles les plus connues qui, en fait, devraient être qualifiées d’archipels.
Au large de la côte de Bizerte, l’archipel de la Galite est ainsi constitué d’une île principale et aussi de cinq îlots dont le plus connu a pour nom le Galiton. Quant aux autres formations, elles se nomment îlot de la Fauchelle et îlots des Chiens. Au large de Sidi Daoud, l’archipel de Zembra comprend une île principale surnommée Jammour el kebir et trois îlots dont les noms sont Jammour esseghir, Lantorcho et la Cathédrale.
Nous arrivons maintenant à Kerkennah où tout le monde sait que l’archipel comprend deux îles principales: El Gharbi et El Chargui. Toutefois, à Kerkennah, il existe treize îlots désignés par des noms déterminés et précis. Citons par exemple Echarmandia, Sefnou, Raqadiya, Gremdi ou encore les îlots Hadj Hamida. Un véritable chapelet entoure en effet les deux iles principales.
A Djerba, l’île principale est devancée sur sa côte méridionale par de nombreux îlots parmi lesquels il convient de citer El Guetaia, El Bahria, El Guetaia el gueblia ainsi que Jlij. Ceci sans compter les minuscules îlots vaseux qui émergent ici et là, jusqu’à la presqu’île de Bin el Ouediane.
Ainsi, comme nous venons de le voir, toutes les grandes îles tunisiennes sont prolongées par des îlots et constituent de petits archipels. Au delà, de nombreux îlots peuvent être recensés sur le littoral tunisien. Essayons donc, en allant du nord au sud, d’en savoir plus sur ces différents espaces insulaires. Quels sonts les îlots tunisiens qui, malgré qu’ils soient peu importants par la superficie, font partie des paysages côtiers du pays ? Citons pour commencer l’îlot de Tabarka, aujourd’hui relié au continent et qui fut dés 1542 une principauté gênoise, cœur d’un royaume du corail sur lequel semble encore veiller le fort solitaire des Lomellini. Connaissez-vous les deux îlots Fratelli ? Ils se trouvent en face de Kef Abbed, non loin des mythiques Cap Negro et cap Serrat. Plus à l’est, en allant toujours vers le sud, le Sahel bizertin est riche de nombreux îlots. Au large de cap Zebib, sur la cote de Métline, se trouvent la petite Cani et la grande Cani.
Non loin de là, l’ilot Pilau fait face à la plage de Raf Raf sur laquelle semble veiller le mausolée de Sidi Ali Mekki. C’est aussi dans cette région que se trouve au large de Rass Ettarf, tout prés de Ghar el Melh, l’îlot Plane que nous nommons Al Jazira el ouatia en arabe. Dans cette énumération insulaire, il convient de ne pas oublier l’ilot Chikly qui se trouve au milieu du lac de Tunis. Témoin d’une longue histoire, le fort espagnol se souvient encore des flamands roses qui y venaient hiverner.
C’est autour de Monastir et de Chebba que l’on peut trouver les principaux îlots sahéliens. Ainsi, cinq îlots font face à la ville du Ribat. Ce sont El Ghdamsi, El Hmam, El Oustaniya, El Mida el kbira et El Mida essghira. Un peu plus au sud se trouve l’îlot d’El Enf. Il précéde les deux îles Kuriates qui sont situées au large de Monastir. Kuriate el kbira et Kuriate essghira ((qu’on nomme aussi Conigliera, soit l’île aux Lapins) se trouvent à 16 kilomètres vers le large.
Dans cette même région se trouvent aussi l’îlot de Edzira qu’on nomme aussi Dimass ou Thapsus et l’îlot de Ras Kaboudia qu’un chenal sépare de la ville de Chebba. Restons dans ces parages et découvrons Dziret el Far qui est située au sud de Chebba sur la côte de Mellouleche. Se trouvant au large de la côte de Maharès, l’archipel de Knaiess compte quatre îlots. Il s’agit de El Bessila, Lahjar, Laboua et Gharbia qui sont distants du continent d’une poignée de kilomètres. Plus au sud, enfin, se trouve l’archipel d’El Biban. Situé au niveau de la passe qui fait communiquer le lac Bhiret el Biban avec la mer, cet archipel est constitué de huit îlots très bas et très petits. En effet, la longueur du plus grand de ces îlots n’excède pas 300 mètres. Toutefois, comme nous sommes dans une zone poissonneuse, cet îlot de Sidi Mohamed Chaouch porte des installations de pêche. Des vestiges de constructions romaines, des tessons de poterie musulmane et les restes d’un fortin ottoman soulignent une occupation ancienne.
De fait, malgré leur petite taille, ces îlots tunisiens, au nombre d’une soixantaine, ont parfois une longue histoire dont témoignent quelques rares vestiges. Inégalement occupés et aménagés, voire complétement déserts, ces espaces insulaires sont des milieux sensibles et fragiles. Aujourd’hui, seuls les géographes peuvent évaluer l’aptitude de ces espaces à l’aménagement ou encore analyser leur avenir face à la remontée du niveau marin.
Dans un ouvrage fameux, l’écrivain français Armand Guibert avait donné une réponse de poéte. En effet, dans son livre « Périple des îles tunisiennes », paru en 1938 à Tunis, Guibert allé à la rencontre de Djerba, Kerkennah, Zembra et la Galite s’était exclamé: "Tout est pur, d’une pureté de genèse".